Se débarrasser de la cigarette en douceur

Écrit par Benoite Taffin

Source : L’ESSOR n°489 de janvier 2016

 

Pourquoi est-ce si difficile d’arrêter de fumer ? C’est la question que Gabriel Garcia Marquez (1927-2014), grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature et fumeur invétéré, pose un beau jour à un ami psychiatre au cours d’une conversation anodine. « Parce que pour toi, arrêter de fumer serait comme tuer un être cher » fut la réponse plutôt énigmatique de l’ami. Mais ce qui semble encore plus énigmatique, c’est la réaction de l’écrivain :

« Je n’ai jamais su ni n’ai jamais voulu savoir pourquoi j’ai aussitôt écrasé la cigarette que je venais d’allumer, et c’est sans angoisse ni regrets que je n’ai plus fumé une seule cigarette de ma vie ». Cette anecdote, lue dans l’autobiographie de l’écrivain, Vivre pour la raconter (Editions Grasset), m’était alors apparue comme le rêve de tout fumeur : arrêter la cigarette sans préméditation, sans souffrance ni nostalgie…

J’eus récemment la même impression en écoutant le récit de ma sœur sur la façon dont elle avait arrêté de fumer.

 

L’importance du déclic

Comme pour l’écrivain colombien, le sevrage tabagique de ma sœur n’était absolument pas prémédité. Premier bon point, car bien souvent, l’idée même d’arrêter de fumer génère un tel stress que le fumeur consomme encore plus de cigarettes qu’avant. Pour ma sœur, pas d’ami psychiatre, mais un dentiste : la révélation lui est en effet venue à la sortie du cabinet dentaire à la vue de ses belles dents toutes blanches. Elle a alors spontanément jeté ses cigarettes dans la première poubelle croisée. Ce type de motivation fonctionne bien car il repose sur un désir positif : préserver ce beau sourire qu’elle n’avait plus depuis des années. En revanche, les déclics provoqués par la peur (maladie, mort, vieillissement prématuré…) sont souvent moins efficaces car la peur génère du stress, et le stress génère l’envie de fumer…

Donc premier conseil : sautez sur le déclic positif lorsqu’il se présente et ne le lâchez plus, une aussi belle occasion ne se reproduira peut-être pas.

 

Le substitut

Contrairement à l’histoire de Gabriel Garcia Marquez, celle de ma sœur ne s’arrête pas là. La perte du paquet de tabac a en effet immédiatement été compensée par l’achat d’une cigarette électronique. Les puristes vont hurler bien sûr, mais si le but ultime est atteint, peu importent les moyens. En tout état de cause, la cigarette électronique est a priori moins néfaste et moins chère que le tabac. Elle présente surtout l’avantage de supprimer l’appréhension du sevrage. C’est en réalité cette peur qui nous empêche d’arrêter. Or, avec la cigarette électronique, il n’est pas encore question d’arrêter de fumer, on limite juste les dégâts ! Ainsi, on rassure le pauvre petit fumeur en nous, terrorisé à l’idée de devoir vivre sans cigarettes.

 

Tenir dans le temps

Pour ne pas craquer, il faut avancer étape par étape, sans se mettre trop de pression, en se fixant des sous-objectifs atteignables, et surtout, penser à se féliciter chaudement à chaque sous-succès. Outre le fait de se jeter sur la cigarette électronique dès que le besoin de nicotine se fait sentir, il faut absolument s’appuyer sur le déclic positif. A chaque fois, sur le point de flancher, ma sœur pensait à son sourire éclatant de belles dents blanches et hop, l’envie de fumer lui passait aussitôt.

Puis, petit à petit, à votre rythme, vous déciderez d’utiliser la cigarette électronique moins souvent, vous diminuerez les doses de nicotine, et vous vous surprendrez même un jour à l’oublier en partant au travail. Le tour est joué !

 

Le livre déclic d'Allen Carr

Si l’envie d’arrêter de fumer vous titille mais que vous n’avez pas encore eu le fameux « déclic », plongez-vous dans La méthode simple pour en finir avec la cigarette (Pocket) d’Allen Carr. Aux dires de ma sœur, ce livre est un véritable « déclencheur à déclics », capable de toucher bon nombre de fumeurs. Il entraîne subtilement l’accro au tabac à changer de point de vue pour lui faire endosser tout en douceur le costume de non-fumeur. Suite à sa lecture, ma sœur a jeté sans regrets sa cigarette électronique aux oubliettes, et reste persuadée qu’elle aurait pu se passer de ses services si elle avait connu Allen Carr avant son rendez-vous chez le dentiste.

 

Actualité : des e-liquides toxiques

Une étude américaine, publiée début décembre dans la revue Environmental Health Perspectives, dénonce la présence de produits toxiques dans les liquides pour cigarettes électroniques. Ils se trouvent notamment dans les recharges aux arômes sucrés (fruits, boissons alcoolisées, bonbons…) produites en Chine.  

 

«Celui qui n'arrive pas à arrêter la cigarette, qu'il essaie d'arrêter les allumettes; c'est moins dur et c'est aussi bien»

Philippe Geluck